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L’Afrique n’est-elle pas en train de perdre ses commissaires d’exposition, parfois indépendants, ses critiques d’art, ses conservateurs, ses chercheurs, ses directeurs de musée et autres collectionneurs ? Des acteurs piégés par leurs agendas complexes ou complexifiés qu’ils ne se préoccupent plus que de leurs voyages, leur confort, voire l’argent. Au détriment du développement de l’Afrique et de l’art africain. Souvent, comme des mercenaires dans un monde culturel et artistique, bandent-ils leurs muscles dans des galeries et des musées, des centres d’art ou autres espaces culturels privés ou publics. Ils sont organisés en collectifs surréalistes, en une armée d’influenceurs destructeurs de l’image de l’Afrique et des Africains. Certains d’entre eux déforment tout contexte et défient publiquement tout un continent à travers des ateliers à l’obéissance, des expositions à la soumission ou des réflexions audacieuses peu crédibles. Et c’est devenu comme un virus dangereux et fort contagieux qui se propage très vite.
Ces acteurs peuvent, a priori, sembler être des personnes positives. En réalité, leur façon d’être et d’interagir génère chez les autres une émotion désagréable en raison de leur pouvoir de manipulation. Des toxiques qui visent les jeunes et exploitent leur indignation face à l’injustice, le manque de respect et de considération. Ils déroulent un agenda et un discours qui parlent plus aux émotions qu’à la raison. Seulement, leur tout est formaté pour davantage soumettre à un ordre bien normé, continuer de préserver une domination occidentale, son contrôle continu du récit et de l’image. Un fait auquel il est temps que les artistes et autres acteurs culturels africains en prennent suffisamment conscience pour que cesse, enfin, cette transmission intergénérationnelle, cette inoculation volontaire d’un désordre mortel pour l’Afrique et les Africains dont il n’est pas toujours aisé d’en déceler les causes et les manifestations, leurs significations et leurs conséquences. D’où leur recours à une certaine complexité pour que leurs conduites soient acceptées comme une intériorité et non comme un fait systématique, une organisation factieuse, une oligarchie qui œuvre pour un néant culturel africain, et non un monde de l’art articulé à la reconnaissance de l’autre, au respect mutuel, au sacre de la dignité et de l’égalité.
Les acteurs de l’art africain ne doivent-ils pas arrêter de se résigner, se libérer de tout complexe ? L’art africain ne doit-il pas être traité autrement dans des médias, des écoles, des universités ? La résignation est grande, le complexe de beaucoup d’africains est si profond et si perceptible dans de grands festivals de photographie contemporaine, entre autres festivals d’art ou de rencontres culturelles et artistiques. De véritable promoteurs d’abus ! Des récits divers non contrôlés parfois à dessein. Qu’il s’agisse de la décolonisation, de l’identité, de la citoyenneté, de l’activisme, de l’immigration, de la santé, du panafricanisme… Sous des titres d’africanités et d’africanistes, entre autres thèmes poreux, des œuvres de visions négationnistes, des travaux de désinformation de la réalité africaine sont de l’automatisme psychique pur sur l’art contemporain de manière générale. Alors qu’il est, aujourd’hui, de civiliser les rapports á travers des récits appropriés à la dignité que l’on veut encore confiner à de la fiction. Aujourd’hui, la photographie n’a-t-elle pas libéré les peintres du travail de leur représentation ? Le fond de tout métier, n’est-il pas, d’abord, les droits et les devoirs ? Le récit visuel du réel c’est l’être humain. Il est devant et derrière la pensée de « belles » notions. Seulement, les fiches à remplir par ces acteurs de l’art africain obéissants à d’autres maîtres à penser de la culture africaine, sont devenues leur « patrimoine net » à travers des fonds d’aide pour le « meilleur » centre d’art, la « meilleur » galerie d’art contemporaine ou la maison-galerie peu moderne, sans oublier les salons de photos, les festivals d’art, entre autres événements comme la biennale (d’origine italienne).
Il faut se guérir des clichés, des égoïsmes et des discours de soumission. Se libérer de cette autre forme d’esclavage. Il faut s’approprier le contrôle des récits visuels en Afrique et ailleurs. C’est l’ambition et la condition pour tout peuple qui aspire à vivre heureux, à être heureux dans la fraternité, dans l’élégance et dans le respect mutuel. C’est une invitation à découvrir, à apprendre, à aimer les sculptures et les masques, les musiques (tous genres confondus), sans oublier les modèles nobles comme leurs dignes héritiers. Ces nobles africains ne revendiquent rien de leur influence dans le monde culturel et artistique, mais examinent bien leur époque paralysée par des intérêts mercantiles qui minorent l’art africain avec des acteurs qui vivent à frimer aux grandes expositions et autres rendez-vous culturels sans plus. Il faut vivre pleinement et positivement le présent et non s’opposer au progrès. Et, dans ce combat, l’image photographique, par exemple, c’est d’abord le métier du photographe, non pas pour des acteurs « mercenaires », ces commissaires d’exposition indépendants sous dépendance financière, ces faux conservateurs ou critiques d’art sans expertise (qui reproduisent un discours colonial, voire néocolonial), ces chercheurs fictifs (qui ne cherchent point la « belle » notion de l’image photographique) ou encore ces collectionneurs frimeurs (connaissant plus leurs comptes bancaires et leurs biens matériels) qui fascinent certains artistes alors qu’ils sont en manquent de toute belle lecture narrative.
Le contrôle du récit visuel en Afrique et ailleurs, appelle à des actes d’insoumission positive et de cordialité. La beauté d’une image photographique ou d’une œuvre d’art est comme un état d’âme qui ne s’achète pas. Elle est cédée avec l’obligation de respect envers l’auteur et son peuple. Le récit visuel doit être contrôlé avec vigilance pour stopper l’évolution du verbatim maladroit. L’expansion du contrôle visuel nécessite une bonne expertise, une « belle » lecture, une grande compréhension de l’image photographique en Afrique et ailleurs, une « démocratisation » de l’intelligence artificielle. Cette démocratisation engendre une veille intelligente non pas pour surveiller la production de l’image mais pour rappeler le récit visuel, lutter contre les travers de l’intelligence artificielle, contre une « dictature » mensongère à travers des « rides aux visages de l’œuvre » par exemple. Le fond d’un récit est au choix de toute œuvre, c’est d’abord l’être humain derrière et devant le travail qui ne s’arrête pas aux limites de l’Occident mais s’étend jusque dans le plus petit village du monde.

Mamadou Gomis, auteur-photographe, chercheur, fondateur de la Fédération africaine sur l’art photographique (Faap) et membre fondateur de l’Union nationale des photojournalistes du Sénégal (Unpjs).