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Contraints de fuir loin de leurs habitations, à la suite des affrontements entre les rebelles du M23 et les Fardc appuyées par les ‘’Wazalendo’’, des centaines de milliers de déplacés de guerre, venus des territoires de Masisi, Rutshuru et de Nyiragongo, souffrent. Dans des camps saturés et insalubres, sans véritable assistance humanitaire, ils s’exposent par manque d’autres alternatives à une seconde guerre.

 

En bâche, en sachet plastique et d’autres en feuilles d’arbres, des milliers des huttes se dressent les unes après les autres sur ce terrain jadis vide en pente parsemé des pierres. Nous sommes au camps de Bulengo – sur l’axe menant à Sake au Sud-ouest de Goma-, l’un des plus grands en périphérie de la capitale provinciale du Nord-Kivu, qui accueille des déplacés victimes de la guerre entre les forces loyalistes et la rébellion du M23 appuyée par le Rwanda selon plusieurs rapports d’experts.

La progression rebelle sur l’axe Sake-Shasha a poussé d’autres milliers de ménages à fuir. La plupart s’étant installées à Bulengo. Selon les dernières estimations du Comité gestionnaire de ce camp, plus de 27000 ménages s’y seraient installées, soient plus de 200000 personnes.

A Bulengo, comme dans les autres sites et camps de Lushagala, Kanyarucinya, Munigi, Rusayo,… des familles s’entassent et survivent comme elles le peuvent dans des abris de fortune construits à la vas-vite et qui ne protège presque pas contre les intempéries, dans des camps insalubres et saturés’’. ‘’Jusqu’à présent, beaucoup des ménages n’ont pas trouvés de quoi construire un abri. D’autres n’ont pas quoi mangé et bien d’autres besoins primaires’’, regrette Faustin Mahiro, président du camp des déplacés de Bulengo.

Assistance insuffisante

Le quotidien est devenu si dure au point que certains chefs des ménages multiplient des stratagèmes pour trouver avec quoi nourrir leurs familles. ‘’Oui il y a de l’aide humanitaire, mais insignifiantes et irrégulière, incapable de nourrir pour 7 jours une famille de 5 enfants’’, reconnaît avec regret Innocent Hakiza, quinquagénaire et père de 7 enfants. ‘’L’assistance vient à compte goûte pour ces gens qui viennent de faire plus de deux ans dans ces camps’’, déplore le président de la société civile de Gisigari. En l’absence de tout moyen de substance rassurant, de nombreux d’entre eux, passent la journée entre les avenus des quartiers de Goma quémandant afin de trouver auprès des bonnes volontés de quoi se nourrir, de quoi se vêtir et même des petits emplois comme la lessive dans des habitations.

Dans leur quasi-totalité des agriculteurs, ces déplacés n’ont pourtant pas ici, des terres à cultiver. Les 115 hectares promis par le gouvernement comme espace des cultures n’est pas encore disponible. ‘’C’est une impasse faute de perspective, mais c’est aussi une impasse physique, géographique : ce sont des gens qui avaient déjà tout perdu en route, qui ne trouvent rien en arrivent et qui vivent dans un dénouement total’’, avait déclaré Claire Magone, de l’Ong MSF très active dans les camps.

La saturation dans ces camps insalubres demeure un véritable casse-tête à la base le plus souvent d’ailleurs de nombreuses maladies contagieuses. Çà et là déplore Jean Lingole de MSF, des cas de rougeole, de choléra sont régulièrement signalés. En plus des victimes des viols et violences sexuelles parmi les femmes et les jeunes filles. La prostitution a pris de l’ampleur et faute des moyes de préventions les risques de propagation des maladies sexuellement transmissibles inquiètent. ‘’Sans occupation aucune et en l’absence de toute aide significative, femmes et filles s’adonnent à la prostitution dans des maisons de tolérance, érigées autour et au sein des camps même.

La paix seul besoin

Des vieillards qui n’ont plus aussi rien à faire presque, n’aspirent qu’à une et une seule chose, la paix. ‘’Je viens de passer plus de deux ans dans deux camps dans des conditions pénibles. Je n’ai plus rien absolument rien. Mes cinq chèvres que j’avais réussi à emporter en fuyant de mon Rutshuru natal, ont toutes été vendues et à vil prix, afin de sauver la vie des enfants’’, raconte visage plein de désespoir Aloyse Amani, un sexagénaire. Et de conclure ‘’Nous n’avons que besoin de la paix et d’une véritable paix durable pour que nous retournions mourir dans nos villages’’, aspirent un groupe des vieillards attendant désespérément de l’enregistrement à la porte du bureau du gestionnaire du camp de Kanyarucinya.

Deux ans déjà depuis que le M23 a lancé sa guerre à partir des collines de Chanzu et de Runyonyi en territoire de Rutshuru avant de s’étendre sur Masisi et Rutshuru, plus de 900000 déplacés ont été enregistrés dans l’ensemble des sites. Plus d’un tiers d’entre eux étant des élèves, lesquels perdent chaque jour l’espoir de retourner à l’école. Certains ont déjà raté un, deux et bientôt trois ans d’études faute d’école et par manque des moyens exigés pour s’inscrire dans des écoles des localités d’accueil. ‘’Nos enfants n’ont pas accès à l’école dans la grande majorité. Et à l’allure où vont les choses personne ne sait si l’année scolaire encours pourra bien le reprendre aussi’’, déplorent Théo Musekura président du camp de déplacés de Kanyarucinya. Et d’ajouter ‘’Faute de classe et par manque d’occupation, les jeunes s’adonnent au vagabondage sexuel et la consommation abusive d’alcool’’, dans des camps devenus petit à petit des foyers d’insécurité.

D’ici septembre prochain, il y aura la prochaine rentrée scolaire. Ça sera la troisième année blanche pour ces enfants victimes de cette guerre injuste. ‘’Quand on est à la maison au village, chacun s’occupe aisément de ses activités économiques, cultive sa terre, produit et vend ses productions du champ et des bétail’’, rappel Anastasie Wimana, une agricultrice venue de Burungu. Et Safari Maonero, (venue de Rutoboko) d’ajouter ‘’ Nous en appelons au gouvernement de tout mettre en œuvre le plus rapidement possible afin qu’une véritable paix soit totalement rétablie et que nous retournions vivre et mourir chez nous’’.

 Patient Ndoole