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Alors que la guerre se poursuit entre le M23 et les groupes d’autodéfense ‘’Wazalendu’’ en appui à  l’armée régulière, l’affluence de la population dans les camps de déplacés, aux abords de la ville de Goma se poursuit. Sur place, la promiscuité, la saturation et les dures conditions de vie auxquelles font face des milliers de ménages, des femmes aussi en l’absence de toute aide humanitaire appropriée et significative, les contraignent à une vie de galère et de tout danger.

‘’J’ai presque tout perdu en fuyant mon village de Rubare. Mon mari est mort en cours de route alors que nous fuyons les combats. Je suis resté seule avec mes deux enfants’’, raconte visage plein d’amertume Aline Safi (nom d’emprunt) porteuse d’une grossesse de huit mois. A l’instar d’elle, de nombreuses autres femmes mariées ou pas, se sont retrouvées avec des grossesses non désirées en plus des maladies sexuellement transmissibles. ‘’L’assistance humanitaire nous arrive en compte goûte et de manière irrégulière.  Et presque rien de particulier à nous femmes’’, confirme Aline Safi. Et pour s’assurer d’y accéder, de fois ces femmes presqu’abandonnées à elles seules, sont obligées de se solidariser à un homme parmi les plus braves du camp. Malheureusement au retour, ils leur exigent des rapports sexuels qui finissent par déboucher sur des grossesses non désirées.

Une étude menée par MSF dans les camps de déplacés révèle qu’environ 70 femmes victimes d’agression sexuelles se présentent chaque jour dans les structures mise en place par cette organisation humanitaire. Sur place, l’exploitation et les violences sexuelles sont directement alimentées par les conditions de vie et le manque d’assistance.

La peur et la prudence

La plupart des femmes déplacées vivent à la merci des intrusions dans leurs abris de fortune et des bouts de plastiques, reflet d’une vie misérable. D’autres se font agressées quand elles vont chercher du bois de chauffe à l’extérieur du camp. ‘’Quand il y a distribution de l’aide, ce sont seulement des vivres et de non vivre, jamais des bois de chauffe.  Et pour cuire, nous sommes obligés d’aller dans la forêt environnante chercher du bois. Et souvent malheureusement, c’est là que certaines d’entre nous rencontrent des bandits qui nous abusent sexuellement’’, révèle une victime qui a su se sauver à plusieurs reprises heureusement.

Nonobstant le danger, ces femmes sont contraintes de chercher régulièrement du bois, sans quoi, leurs enfants mourront de faim. Face à la peur et au danger, par prudence, elles ont pris l’option d’aller en groupe et pas très loin dans la forêt. Face à des bourreaux moins nombreux, elles n’hésitent pas de faire usage des machettes qu’elles utilisent dans la coupe des bois. ‘’Et quand il le faut, nous agressons sérieusement l’agresseur’’, admet l’une d’entre elle.

Avec les nouveaux arrivants, le camp de Bulengo sur l’axe Goma-Sake, s’est élargie. Il en est de même de la quasi-totalité d’autres sites aux alentours de Goma, nous confie un des responsables de la Commission nationale des réfugiés (CNR, une structure gouvernementale d’appui aux déplacés).

Des abris perméables

Avec près de 20000 ménages en début 2023, Bulengo à lui seul en compterait près de 30000 à ce jour. ‘’Les bâches que vous voyez sont une dotation ancienne. C’est pourquoi, il y a de nombreux abris en sachets plastiques et d’autres en morceaux des bâches collées les unes sur les autres par ce qu’il n’y a personne pour doter des bâches à toutes les nouvelles ménages parmi les récents déplacés’’, révèle  plusieurs présidents des placés de divers sites. Au camp lac Vert, comme dans celui de Rusayo et presque partout, chacun, en arrivant, construit comme il le peut et de ses propres moyes. Il n y a vraiment pas des normes pour construire, et à plusieurs endroits, les abris se distancent que d’un mètre et le plus souvent de quelques centimètres près. ‘’Nos abris sont presque collés les uns des autres faute d’espace. Il n y a plus d’intimité et le voisin peut facilement s’introduire chez l’autre sans problème. Dieu merci par ce qu’à ce jour, aucun cas d’incendie n’y est jamais signalé, sinon c’est tout le camp qui partirait en fumé’’, reconnaît avec regret et inquiétude Jean Paul Maniriho, un déplacé au camp Kanyarucinya. Ici comme dans les autres sites, tout le monde cherche à construire non loin de l’autre à la suite de la recrudescence des cas d’insécurité.

Une promiscuité très dangereuse pour les familles en manque d’intimité. ‘’La nuit, des bandits s’introduisent dans certains abris en coupant la bâche souvent au fil du rasoir et ou à la main. Ils volent et d’autres en plus violent les femmes’’, insiste Théo Musekura, président du camp de déplacés de Kanyarucinya. Et son collègue du site de Don bosco d’ajouter ‘’Une fois dans l’abri, avec arme blanche ou arme à feu, la victime est contrainte au silence par crainte de se faire tuer’’. Assise devant sa tente Antoinette Kibuya (nom d’emprunt), et ses deux enfants, en savent quelques choses. ‘’Au tombé de la nuit, deux hommes armés des couteaux s’étaient introduits dans ma cabane dont la porte n’est qu’un morceau de pagne usé. Ils m’ont menacé de me tuer si je criais avant de m’amener dans notre petite chambre. Heureusement au même moment, ma petite sœur et son mari, eux aussi déplacés, frappaient à la porte voulant me rendre visite. Inquiets ses bandits ont pris la fuite en se créant un passage à l’aide du rasoir à la partie derrière qui servait de chambre’’, se rappelle Antoinette qui ne cesse de glorifier son bon Dieu de l’avoir sauvé ce jour grâce à ses familiers. Depuis lors par crainte des représailles de la part de ses bourreaux, la jeune maman a préféré changé de camp.

Plus de 10000 victimes

Il y a quelques jours, un bandit a été lapidé à Mugunga sur la route Sake, par les déplacés en colère après que ce dernier et son complice ayant réussi à prendre fuite, venaient de violer une jeune femme avant de la tuer lui et son mari. La colère des déplacés est devenue quasi-quotidienne exacerbée par la multiplicité des cas d’insécurité et de meurtres dont ils sont victimes de fois de la part des bandits armés, des hommes en uniformes militaires et des combattants ‘’Wazalendu’’. De 2023 à ce jour, plus de 10000 femmes  sur les sites de Rusayo, Elohim, Shabindu, kanyarucinya, Mugunga, Bulengo,…ont été victimes des cas de violences sexuelles, à en croire les personnels soignants impliqués dans leur prise en charge et les présidents des camps.

Préoccupé par la situation, Bruno Lemarquis, le représentant spécial adjoint du secrétaire général des Nations Unies, attend également l’implication des autorités congolaises. ‘’Il y a beaucoup de problèmes d’insécurité. C’est toute la question du rôle de la police. Le gouverneur (du Nord-Kivu), nous a expliqué les mesures qui sont en train d’être prises. On comprend les contraintes au niveau des effectifs, mais c’est un gros souci’’, avait déclaré ce diplomate onusien, il y a quelques temps à la presse.

 Patient Ndoole