Il devrait plutôt être un gilet de sauvetage lors de son instauration, en mars 2019, dans le ciel congolais, qualifié alors de “cimetière à ciel ouvert.” A l’époque, le pays avait connu plusieurs crashs, causant morts et désolation. Ce, non seulement parce que les compagnies qui y opéraient ne répondaient pas aux normes, mais aussi et surtout à cause de la vétusté des infrastructures de la Régie des voies aériennes (RVA). Le Go-pass était fixé à 50 dollars par un passager embarquant sur un vol international. Et à 10 dollars pour un vol national. Mais il est, depuis le 1er janvier 2017, passé à 58 dollars pour un vol international. Et à 41 dollars pour un vol national. Ce qui a généré, à la fin de l’année, 31,2 millions de dollars pour le trésor public.
Pour la RVA, le maintien en état de fonctionnalité optimale de nouveaux investissements justifie ces moyens supplémentaires afin d’amortir les charges. La majoration touche les services d’embarquement, de sureté et de sécurité. La Taxe à la valeur ajoutée (TVA), elle aussi obligatoire pour tout passager, n’en constitue cependant pas une. C’est plutôt un impôt perçu non en raison du fonctionnement d’un service public. En fait, la RVA a, avec un prêt de la Banque africaine de développement (BAD) – et non par son fonds propre, modernisé l’aéroport international de N’djili (Kinshasa). Elle a équipé son tour de contrôle et a mis les bus pour passagers sur le tarmac. Les pistes des aéroports de Lubumbashi et de Goma aussi, répondant désormais aux normes internationales, font partie du prêt de la BAD.
Supprimer le Go-pass
Selon le rapport de la reddition des comptes du ministère des Finances, exercice 2012, la RVA a collecté 31 millions de dollars entre 2009 et 2010. Accusé de mégestion, le premier comité de gestion est limogé après deux ans de travail. Puis, des nouveaux comités se succèdent à la tête de la Régie. Mais la gestion du Go-pass n’est toujours pas rassurante. Décriée par les passagers dans tous les aéroports du pays, elle suscite aussi des inquiétudes. Pendant ce temps, ce sont des sorties des pistes sous des pluies et des embrasements totaux des avions qui se succèdent. Le ministre de la Justice saisit le procureur général près la Cour d’appel de Matete (Kinshasa) en vue de faire la lumière sur le Go-pass. L’affaire n’apporte toujours pas d’éclaircissement.
“La témérité avec laquelle le Go-pass est perçu (…) et l’opacité dans laquelle il est géré, 10 ans après, ne font aucun doute quant à son caractère inique”. C’est du moins ce que pense Claudel André Lubaya, député à l’Assemblée nationale de la RDC, dans sa correspondance au nouveau président de la République. L’élu du peuple place ainsi le numéro un de l’Exécutif (depuis quatre mois) devant ses responsabilités. “J’invite, ajoute-t-il, le Président de la République, Chef de l’Etat et Garant de la nation, à faire usage de ses prérogatives constitutionnelles et de son serment ‘de ne (se) laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne’ pour mettre fin aux multiples entraves aux libertés fondamentales et notamment à la liberté fondamentale d’aller et venir garantie par l’article 30 de la Constitution.”
“La suppression de toutes ces entraves contribuera au renforcement de l’Etat de droit dans son volet relatif à l’équité de l’impôt par la lutte contre les tracasseries, à la traçabilité de la dépense publique et surtout à l’élimination des abus de pouvoir”, affirme encore Lubaya. Il pense qu’un pouvoir qui s’exerce par des décisions injustes et abusives est incompatible avec l’Etat de droit. “C’est le cas du Go-pass”, estime-t-il.
Auditer l’agent percepteur
Des députés nationaux, des acteurs de la lutte contre la corruption et des voyageurs avertis ne jurent plus que, depuis l’élection du nouveau président de la République, par l’audition de cette régie. Se référant à la Commission parlementaire de 2011 sur la gestion tant décriée du Go-pass, – dont le rapport n’a jamais été rendu public, – Richard Kandolo, un habitant de Goma, capitale du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, affirme avoir raté “une réunion très importante” parce qu’il n’avait pas l’argent de cette taxe. “Les organisateurs ne m’avaient envoyé que l’invitation et le billet d’avion. Je n’avais alors rien sur moi pour le Go-pass, que je ne connaissais d’ailleurs pas. Etant dans l’incapacité de le payer, j’ai raté mon voyage.” Voyant la qualité des infrastructures de l’aéroport internationale de sa ville, cet enseignant du primaire estime que seul l’audit de la RVA va éclaircir l’affectation des ressources du Go-pass.
Alain WANDIMOYI
19 commentaires sur « Go-pass : La taxe de toutes les discordes dans les aéroports de la RDC »
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