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Par Déocard CHIRHA MURHAMBO, National Communications Advisor in the DRC

23 Juillet 2020

Des décennies s’écoulent, les discours sont toujours les mêmes et la misère du peuple s’installe en maitre. Bref, le statu quo se renforce.

On en parle, on dénonce et rien ne changeDepuis bientôt trois décennies, la situation globale chaotique de la République Démocratique du Congo (RDC) alimente la chronique des medias locaux, nationaux et internationaux. Toute et chaque personne éprise humanisme essaie de faire quelque chose pour apporter le changement a ce contexte qui ne fait que se compliquer au fil de temps.

Parlant du contexte global en RDC, il se caractérise par trois zones d’influence à savoir : 1) une zone dite d’urgence se caractérisant par des conflits armés récurrents, une faible présence ou une absence totale de l’État, 2) une zone considérée comme intermédiaire connait une stabilité et une présence progressives de l’autorité de l’État et 3) une zone stable où se manifeste effectivement la présence de l’autorité de l’État. La RDC est actuellement constituée de 26 provinces dont plusieurs se retrouvent dans les deux premières zones précitées tandis que d’autres tendent de s’y retrouver. En effet, même les entités de la troisième zone d’influence se distinguent par un niveau de pauvreté très avancé des populations.

Au niveau social

Partout, à travers le pays, il s’observe que le délabrement très avancé des infrastructures scolaires et sanitaires, leur faible équipement ainsi que la faible qualification du personnel éducatif et soignant constituent un réel frein à l’accès à l’éducation de base et aux soins de santé des populations. Ces défis d’accès aux soins de santé et à l’éducation sont d’ordre physique et monétaire. Plus de 70 pour cent de la population active est au chômage et la petite tranche qui travaille n’est pas rémunérée ou reçoit un salaire irrégulier et insuffisant pour satisfaire les besoins sociaux de base.

Fuyant l’oisiveté et le chômage chronique au niveau des villages, les jeunes et certains parents choisissent le chemin des carrés miniers et d’autres se dirigent vers les centres urbains où ils séjournent pendant des années. De part et d’autres, ceux-ci s’adonnent à des vils travaux notamment comme porte-faix, creuseurs artisanaux des minerais,…Une infime minorité de ces groupes exercent le petit commerce ambulant. Dans leur situation de détresse, les jeunes filles optent pour le mariage précoce avant de se voir abandonnées par les maris qui rejoignent le chemin de l’aventure décrite ci-dessus. Et les temps s’écoulent.

Au niveau politique et sécuritaire

En décembre 2018, la RDC a clôturé une série des élections présidentielles et législatives emailées par des cas de tricherie décriés au niveau national et international. Des alliances contre nature entre le régime sortant et le pouvoir actuel font l’objet des dissensions et des divergences d’opinions qui hypothèquent progressivement la gouvernance du pays. Les accords conclus entre les deux parties n’augurent pas de lendemain meilleur pour les populations qui se sentent abandonnées à leur triste sort. Le processus électoral reste inachevé car, depuis 2006, quoique prévues, les élections au niveau de la base n’ont pas été organisées. A travers toutes les provinces du pays et principalement dans la capitale Kinshasa, on assiste à des manifestations de rue. Bien d’autres contestations des décisions prises au sommet des institutions se multiplient et cela au grand mépris des mesures de prévention contre la COVID-19 telles qu’édictées par le Président de la République. Cette façon d’être et d, agir laisse croire que le Président actuel serait comparable à un roi qui règne mais qui ne gouverne pas. La corruption, le clientélisme et l’injustice se renforcent lentement mais surement au sommet de l’État. A l’allure où vont les choses, il reste vrai que nul ne pourra prédire la direction que le pays va prendre.

L’activisme des groupes armés étrangers et nationaux a repris de plus belle surtout à l’Est du pays particulierement dans les provinces de l’Ituni, du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de Tanganyika. On signalerait la présence des armées de 8/9 pays voisins de la RDC ainsi que celle des éleveurs migrants, les Mbororo installés dans la partie Nord du pays à savoir le Haut-Uélé. Le regain de la criminalité auquel on assiste dans les milieux urbains et dans certains territoires apparaît non seulement comme une conséquence de la mauvaise gouvernance (chômage, faible accompagnement par les services spécialisés de l’État…) mais aussi un des mécanismes de survie de certains jeunes meurtris par plusieurs années de chômage et de désespoir..

Sur le plan économique et alimentaire

La République Démocratique du Congo est reconnue pour ses potentialités agricoles et ses ressources minérales à base desquelles on la qualifie de scandale géologique mais qui font aussi objet de sa convoitise par le reste du monde surtout les multinationales. En dépit de ces potentialités, ces derrières années, le pays n’a axé son économie que sur le secteur tertiaire. Et pourtant, une grande partie de ce secteur est couverte par l’exploitation artisane incontrôlée, émaillée des cas de fraude et de contrebande au profit des multinationales via les pays voisins. Malgré cela, ce secteur demeure le meilleur contributeur au PIB de la RDC.

Tout en reconnaissant que seul 20 % de l’économie de la RDC rentre dans le secteur formel, il sied de reconnaitre également que ces dernières années, le secteur informel ou non structuré qui semble gagner du terrain pourrait dépasser les 80 % que l’on lui attribue.

Et le secteur agricole qui jadis était pourvoyeur d’emplois et des richesses se trouve aujourd’hui bien oublié. En effet, en dépit des mesures et programmes nationaux de relance de ce secteur, il apparait que ce dernier n’a pas bénéficié de l’attention souhaitée de la part du gouvernent central qui ne lui a alloué que 7% de son budget. Parmi ces programmes de relance figure entre autre le Parc agro industriel de Bukanga Lonzo qui n’aura été que d’un succès éphémère. De manière générale, dans tous les secteurs économiques et de production s’observe un délabrement et une vétusté sans nom des infrastructures au point qu’à plusieurs endroits tout est à refaire. Contrairement à ce qui se passe sous d’autres cieux, il faut également noter que la RDC n’a pas réussi à capitaliser ses chances de la période post conflits.

Une étude récente de la FAO-PAM (IPC 2018) a présenté la situation alimentaire de la RDC en 5 blocs majeurs à savoir; 1) une zone sous influence des groupes armés nationaux et étrangers, 2) une zone touchée par les épidémies, 3) une zone infestée par les chenilles légionnaires qui attaquées les cultures, 4) une zone ayant accueilli les réfugiés/ déplacés et 5) une zone stable où les communautés vivent de manière structurelle mais dans la précarité (anciennes provinces de Bandundu, Equateur et le Kongo central). Les quatre premières zones précitées concernent toutes les provinces de l’Est du pays et le grand Kasaï.

Il ressort de cette étude que le pays souffre d’un déficit criant des denrées alimentaires. Ceci serait une conséquente logique de la faible production agricole locale et du délabrement des infrastructures notamment les voies de communication. Pour y remédier, la RDC recourt à l’importation des produits vivriers des pays voisins, des pays asiatiques et de l’Afrique du Sud-Kivu. En interne, certaines provinces comme celles de l’Est du pays subviennent au déficit de leurs voisines (cas du Sud-Kivu qui importe ses suppléments en produits agricoles des provinces du Maniema, de Tanganyika et du Nord-Kivu).

Des récentes crises humanitaires

Comme presque partout au monde, la RDC a fait face à une série de catastrophes naturelles et humaines dont certaines sont attribuables au changement climatique et d’autres à la mauvaise gouvernance ou à tous les deux à la fois. Presque toutes les provinces sont concernées par l’une ou l’autre de ces crises. Au-delà des conflits armés qui caractérisent les provinces de l’Est et du centre-sud, on trouve partout des situations d’urgences oubliées et/ou des urgences en cours. Pour la plupart de cas, les réponses à ces urgences proviennent de la communauté humanitaire. Le Gouvernement assiste de manière impuissante à la disparition lente et progressive de ses populations.

Les incendies répétitifs dans les villes de Bukavu et le Kasaï ainsi que les érosions qui ont emporté des quartiers entiers à Kinshasa, à Bukavu, à Kananga et à Mbujimayi sont les conséquences de la mauvaise gouvernance tandis que les inondations des rivières à Uvira et du fleuve congo à Kindu sont attribuables au changement climatique

Au regard de la recrudescence des conflits armés en cours dans les provinces de l’Ituni, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de Tanganyika, le pays devrait s’attendre à plus de mouvements de ses populations qu’on en observe à ce jour. Il existe au niveau national et dans chaque province un Ministère en charge des questions humanitaires et un bureau en charge de la protection civile. Faute de ressources, pour la plupart ces bureaux sont confrontés à des problèmes de fonctionnement.

De l’impact du Corona virus et d’Ébola

La pandémie du Corona virus a de manière générale frappé le monde entier. Chaque pays a, à sa manière accueilli et vécu ce nouveau fléau qui a défié toutes les grandes puissances. Pour le cas de la RDC, après la proclamation de l’état d’urgence sanitaire et les mesures barrières, quelques observations et commentaires ont fusé de partout. Pour certains, le corona virus est une fabrication de l’occident et ne pourra pas s’étendre jusqu’en Afrique. Pour certains autres, c’est une maladie des riches et des voyageurs. Ceci a fait penser à l’histoire du Sida des années 80.

Toutefois, on devrait reconnaitre que le gouvernement et les autres acteurs impliqués ont très mal communiqué par rapport à la prévention et à la prise en charge de la COVID-19 car ils n’ont pas réussi à contextualiser la situation par rapport aux réalités de chaque zone géographique de ce si grand pays. A ce déficit de communication s’ajoutait l’indiscipline des populations congolaises mais aussi l’incapacité des uns et des autres à appliquer correctement les mesures barrières suite à la pauvreté.

Dans certains quartiers populaires des grandes villes comme Kinshasa, Goma, Bukavu et Lubumbashi, il est pratiquement difficile d’organiser un confinement total de la population et/ou de respecter les mesures barrières par la plupart des habitants. Plusieurs facteurs concourent à cela notamment la promiscuité due au manque d’espace vital, l’ignorance des règles élémentaires hygiène et l’incivisme généralisé.

Du côté de la jeunesse, les quatre mois d’arrêt des enseignements au niveau des écoles primaires et secondaires ainsi que de l’université constitue la période la plus destructive de l’éducation des enfants congolais. Une enquête menée récemment en Province du Sud-Kivu a révélé que plus de 2926 élèves filles étaient tombées enceinte et ne pourront pas poursuivre l’année scolaire même si les cours reprenaient. Plusieurs autres élèves (filles et garçons) sont occupés dans le petit commerce ambulant (vente des petites choses y compris les masques pour lutter contre la propagation de la COVID-19, l’eau minérale, les sachets d’emballage…), d’autres ont rejoint les rangs des enfants de la rue réputés pour leurs actes de violences, la consommation de la drogue tandis que une autre catégories de ces enfants est utilisée dans l’extraction artisanale des minerais.

La covid-19 a provoqué une récession économique généralisée. Chaque pays a connu une dévaluation de sa monnaie nationale. Pour le cas de la RDC, jusqu’à ce jour, la dépréciation du franc congolais est estimée à 25%. Dans ce même pays, le manque de revenu au sein des ménages a placé les parents dans une situation d’irresponsabilité avérée. En effet, suite à cette précarité, nombreux parents des milieux urbains sont incapables de subvenir aux besoins sociaux de base de leurs familles notamment l’accès à la nourriture, aux soins de santé, au logement, à l’eau potable… Plusieurs cas de décès des parents (hommes), sont consécutifs à cette situation. Dans la ville de Bukavu, il a été observé que les trois jours de confinement total de la commune d’Ibanda ont occasionné de stress ayant conduit a plusieurs cas de décès tout simplement parce que cette période d’immobilité n’a pas permis à une certaine catégorie sociale de s’approvisionner en produits de première nécessité y compris les médicaments pour les malades chroniques..

La fermeture des églises, des hôtels et restaurants a contribué à une baisse sensible des activités socioéconomique. Ce qui a renforcé le chômage et réduit ipso facto la marge des manœuvres des acteurs Plusieurs ONG et autres Organisations de la société civile ont suspendu leurs activités tandis que d’autres les ont réduites sensiblement. Pour certaines associations, les chances de les reprendre se sont largement amenuisées. Les communautés vulnérables qui étaient assistées par les différents programmes humanitaires à travers les pays ont été abandonnées à leur triste sort.

Les tentatives des réunions virtuelles ainsi que l’enseignement à distance ne semblent pas faire du chemin. Plusieurs facteurs concourent à cela notamment : l’impréparation, le manque d’équipement et de matériel adéquat, le faible accès à une connexion internet de qualité et la faible capacité technique des utilisateurs.

S’agissant des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de Tanganyika, la rupture du circuit d’approvisionnement en denrées alimentaires par les femmes qui exercent le petit commerce transfrontalier demeure suicidaire tant pour leurs ménages que pour lesdites provinces. En vertu de la loi de l’offre et de la demande, la rareté de ces produits sur le marché implique la spéculation et la hausse des prix.

Rappelons qu’au 13 Juillet 2020, le rapport épidémiologique de la RDC renseigne qu’il y a 8135 cas confirmés dont 3997 actifs, 3948 guéris et 190 décès. Au-delà de la COVID-19 on note également la présence de l’épidémie d’Ébola qui sévit dans les provinces du Nord-Kivu (Beni) et d’Équateur. Quoique déjà maitrisée, cette maladie continue de faire peur et les stratégies de sa prévention sont toujours de mise. Tout récemment, quelques cas sporadiques ont été déclarés mais vite maitrisés dans les deux régions précitées.

Ce tableau sombre démontre qu’il reste beaucoup à faire pour sortir le pays de l’auberge. En effet, il se dégage tout au long de la description de la situation actuelle que si rien n’est fait dans l’immédiat, la RDC risquerait de sombrer dans une crise multiforme et dont il sera très difficile de sortir.

Cet article a été publié par : République Démocratique du Congo: Vers une profonde crise | by Start Network | Start Network (Français) | Medium

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